PLATEFORME 
TRANS

Depuis quand cela existe-t-il ?

Dans le monde

Notre société européenne range majoritairement les individus dans des cases de genres binaires : homme et femme. On considère que l’on est soit l’un, soit l’autre et que les deux sont de parfaits opposés. Depuis quelques années cependant, des activistes et penseur·euses ont réussi à faire émerger une nouvelle vision du genre comme un spectre de possible, dans lequel chacun·e est libre de poser son curseur d’identité où iel le veut, sur un continuum allant d’homme vers femme ou en dehors de celui-ci. La non-binarité du genre inclus donc à la fois la reconnaissance d’identités non-binaires (constituées soit d’une pluralité de genres (constamment ou par intermittence), d’identités de genres extérieures aux catégories binaires ou de formes de genres neutres) et la conceptualisation des identités “homme” et “femme” comme deux points possibles dans une gamme d’identités, et pas comme spécifiquement opposées l’une à l’autre.

Si ces discours ont gagné en popularité et en visibilité récemment, ils ne sont pourtant pas totalement neufs. La dichotomie sociale homme/femme semble logique, puisqu’elle découle d’une prétendue binarité génitale (qui a longtemps invisibilisé les intersexuations). Cependant elle n’est pas absolue et elle est le fruit du point de vue binairement normé de notre société. On sait aujourd’hui qu’il existe bien d’autres cultures reconnaissant l’existence de genres différents de cette binarité ou de genres pluriels. Ceci amène à constater que certaines de nos “connaissances” sont en réalité des constructions sociales et que le genre, lui-même, est un caractère qui peut évoluer voire drastiquement changer en fonction de l’époque, du lieu ou de la société dans laquelle on se trouve.

Par exemple, on a pu documenter durant la conquête de l’Amérique par les conquistadors dans plus de 130 peuples autochtones nord-américains l’existence de personnes dites “berdaches” ou “two-spirits” (bispirituelles, en français). Ces dernières étaient décrites comme possédant deux esprits capables de cohabiter dans un seul et même corps pour former un être au genre pluriel : à la fois homme et femme. Cette bispiritualité était généralement vue comme un cadeau des dieux et permettait aux Berdaches de prendre part à toutes les activités, aussi bien masculines que féminines. Bien souvent, ces berdaches endossaient aussi des rôles réservés aux plus sages, car impliquant d’être proche des dieux : soigneur·euse·s, devins, donneur·euse·s de noms, etc. L’arrivée de l’Europe et de ses valeurs occidentales fit non seulement disparaître la majorité des personnes bispirituelles dans le massacre qui s’opéra alors, mais modifia aussi les sociétés autochtones pour y imposer, entre autres, une vision homophobe et transphobe.

En Inde, il existe aussi depuis presque toujours une caste très ancienne de personne au genre neutre : ni homme ni femme. On les nomme les hijras. Iels sont respecté·e·s pour leur pouvoir de fertilité qu’iels apportent aux couples hétérosexuels en assistant à leur mariage ou à leurs ébats. Mais iels sont aussi capables de jeter le mauvais œil sur une union. Iels sont vu·e·s comme des incarnations du dieu Krishna, l’une des divinités les plus importantes dans le système hindouiste. Cependant, avec la colonisation anglaise et l’arrivée de nos valeurs et de notre culture occidentale, cette caste a fini, tout comme les Berdaches, par être vue comme une classe inférieure aux autres et peu respectable par le reste de la population indienne.

Des Mahu, RaeRae et Fala’afafine de Polynésie aux Sipiniq inuits en passant par les six genres reconnus en ancien Israël et les muxe du Mexique, nombreux sont les exemples de genres non-binaires ou de parcours trans* dans les sociétés à travers le globe et l’histoire, ce qui nous permet d’en conclure que cela a toujours existé, même si l’on a longtemps essayé de ne pas l’entendre - ou de le faire taire - en Europe.

Historique médico-juridique en Belgique

La première loi belge reconnaissant l’existence et le besoin de changements légaux des personnes trans* est la “Loi relative à la transsexualité” du 10 mai 2007. Celle-ci spécifie que “Tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance et dont le corps a été adapté à ce sexe opposé dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical, peut déclarer cette conviction à l’officier de l’état civil.”

Cette loi spécifiait donc qu’une personne trans était obligée de faire une transition chirurgicale et endocrinologique pour pouvoir changer ses papiers, et le justifier par des attestations délivrées par des médecins. Elle ne respectait donc ni la notion fondamentale de point de confort, ni l’autodétermination des personnes transgenres, les obligeant à faire valider leur transidentité par des professionnel·le·s tout en subissant des traitements médicaux qui n’étaient pas forcément souhaités. Elle était aussi très binaire. Pour toutes ces raisons, il a longtemps été urgent d’instaurer une nouvelle loi qui reflète mieux les réalités des personnes trans et leur assure le respect de leurs droits.

Le 25 juin 2017 est publiée la loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, qui dit ceci : “Tout Belge majeur ou Belge mineur émancipé ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement, peut faire déclaration de cette conviction à l’officier de l’état civil. […] Lors de la déclaration, l’intéressé remet à l’officier de l’état civil une déclaration qu’il a signée, indiquant que, depuis un certain temps déjà, il a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement et qu’il souhaite les conséquences administratives et juridiques d’une modification de l’enregistrement du sexe dans son acte de naissance.” Il est donc à présent très simple pour une personne trans de changer ses papiers, si tel est son désir et si cette personne s’identifie en tant qu’homme ou femme. (Il n’existe en Belgique pas encore de marqueur reconnaissant les identités non-binaires.)

Jusqu’en 2013, le Manuel Diagnostique de Santé Mentale, un recueil médical des maladies psychiques reprenant les différentes maladies, leurs symptômes et comment les soigner, nommait le “transsexualisme” comme un trouble de l’identité sexuelle. Mais à partir de la cinquième version de ce livre, elle est enfin retirée. Reste toujours la “dysphorie de genre”, le mal-être incapacitant causé par la non-congruence entre l’identité de genre ressentie par la personne et celle reconnue par la société, qui est considéré comme un réel problème vu sa nature à pouvoir entraîner des troubles de l’humeur (dépression, irritabilité, sautes d’humeur…).

En 2018, l’Organisation Mondiale pour la Santé a également rendue publique sa décision de dépathologiser la transidentité, à savoir de ne plus la considérer comme une maladie mentale.

Sources

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