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Impacts des intersexuations sur la vie quotidienne

Comme nous l’avons expliqué dans l’article L’intersexuation, c’est quoi ?, les variations intersexes sont, dans la grande majorité, des variations du corps humain qui ne nécessitent pas d’intervention médicale urgente. Cependant, l’étude menée en 2019 par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a révélé que les personnes intersexuées rapportent une satisfaction de vie de 5,5/10, un score inférieur à toustes les autres répondant·es LGBTQA+.

Les personnes intersexuées sont confrontées à tout âge à une invisibilisation, une pathologisation et une discrimination systématique. L’enquête FRA a également déterminé que les personnes intersexuées subissent des niveaux de discrimination parmi les plus élevés de tous les groupes inclus dans l’étude. Le manque de soins médicaux adaptés, le harcèlement à l’école et/ou au travail, le manque d’accès à la justice et la pathologisation constante dont iels font l’objet les exposent à un risque accru de précarité. Pourtant, ces facteurs ne sont pas directement liés à leur intersexuation, mais à l’endosexenormativité et l’interphobie omniprésentes dans la société.

Les impacts des intersexuations sur la vie des personnes intersexuées

Les intersexuations sont divisées par le corps médical une vingtaine de variations connues, bien que toutes ne disposent pas d’un terme ou d’un diagnostic spécifique. Comme mentionné dans l’article L’intersexuation, c’est quoi ?, parler des différentes variations implique d’utiliser le vocabulaire médical dominant qui a morcelé les intersexuations en “syndromes”. Ce vocabulaire médical ne reflète cependant pas notre vision des intersexuations, qui s’oppose à la pathologisation et à la marginalisation de celles-ci.

Voici une description rapide des variations les plus répandues, reconnues par le corps médical belge : 

  • le syndrome de Rokitansky ou MRKH se caractérise par une variation du développement du vagin et de l’utérus, voire l’absence de l’un et/ou de l’autre, et la présence d’ovaires et de trompes “fonctionnels” ;
  • le syndrome de Klinefelter, une variation chromosomique dont les traits possibles sont une puberté tardive, des testicules plus petits que la moyenne, une faible pilosité, une taille plus grande que la moyenne et une absence de sperme ;
  • l’insensibilité aux androgènes (SIA) peut être complète ou partielle : elle se manifeste par un développement atypique des organes procréatifs chez les personnes assignées filles, un développement de caractéristiques sexuées secondaires typiquement féminines à la puberté, des troubles de la fertilité, et le développement interne des gonades ;
  • le syndrome de De la Chapelle se caractérise généralement par un hypospadias à la naissance, un développement des testicules moins marqué que la moyenne, un développement de caractéristiques sexuées secondaires typiquement féminines à la puberté et de l’infertilité (absence de sperme et développement de testicules internes) ;
  • le syndrome de Jacob, une variation chromosomique qui peut être accompagnée d’une croissance accélérée dans l’enfance, menant à une taille plus grande que la moyenne à l’âge adulte ;
  • le syndrome de Turner, une variation chromosomique qui peut causer une puberté tardive ou absente, une absence de règles et des troubles de la fertilité ;
  • l'hypospadias ou hypospade, une variation du développement hormonal qui se manifeste par l’ouverture de l’urètre sur la face inférieure du pénis, et non à son extrémité ;
  • l’hypogonadisme, une altération des gonades qui affecte la production d’hormones sexuées, pouvant causer une puberté tardive, des troubles de la fertilité, des variations des organes génitaux externes ainsi que des variations des caractéristiques sexuées secondaires ;
  • l’ovotestis, une/des gonades ayant des caractéristiques d’un ovaire et d’un testicule en même temps ;
  • l'hyperplasie congénitale des surrénales, un fonctionnement particulier des glandes surrénales qui produisent des taux de testostérone élevés, pouvant causer des variations de développement des organes génitaux, des variations des caractéristiques sexuées secondaires à la puberté, une absence de règles et de l’infertilité ;
  • la cryptorchidie, c’est-à-dire l’absence d’un ou des deux testicules dans le scrotum, ceux-ci n’étant pas descendus durant le développement prénatal. Environs 2% des cas sont considérés comme liés aux intersexuations ;
  • les ovaires polykystiques, qui peuvent causer une puberté tardive, le développement de caractéristiques sexuées secondaires typiquement masculines à la puberté, une croissance clitoridienne et de la vulve, voire des troubles de la fertilité. Entre 2 et 10% de cas d’ovaires polykystiques sont considérés comme étant liés aux intersexuations.

La plupart des variations intersexes sont des variations de l’anatomie humaine qui ne demandent pas d'intervention médicale urgente, sauf dans certains cas précis comme la perte de sel associés à l’hyperplasie congénitale des surrénales, le diabète ou encore les bébés naissant avec l’urètre fermé. Certaines variations ont des composantes hormonales qui peuvent affecter la croissance durant l’enfance ou à l’adolescence, ce qui nécessite un certain suivi médical. Dans l’ensemble cependant, les intersexuations ne sont pas des “anomalies” à “corriger” et n’affectent pas l’état de santé global de la plupart des personnes intersexuées.

Cependant, il est important de noter que, pour des raisons d’invisibilisation que nous allons explorer ci-dessous, les corps intersexués et leur métabolisme ont été très peu étudiés en dehors de leurs traits intersexes. Leurs besoins en termes de santé ont toujours été ramenés à la pathologisation de leur intersexuation. On manque donc d’information sur les besoins réels en santé des personnes intersexuées, particulièrement en ce qui concerne les problèmes de santé qui apparaissent en cooccurrence avec l'intersexuation mais qui ne sont pas liés au système de procréation. Ces comorbidités génétiques ne sont pas anodines et peuvent être graves : il est donc urgent que le corps médical leur accorde l'attention qu'elles méritent.

Les impacts de l’endosexenormativité et de l’interphobie sur la vie des personnes intersexuées

L’endosexenormativité est une idéologie dominante qui conçoit le sexe biologique et anatomique comme un système binaire immuable dans lequel tous les corps humains s’inscrivent. Selon cette norme, il n’existe que deux catégories de sexes distinctes et exclusives, “homme” et “femme”. Celles-ci déterminent la fonction et l’apparence des caractères sexués de chaque personne ainsi que ses capacités reproductrices. Par exemple, l’endosexenormativité suppose que toutes les personnes assignées à un sexe féminin possèdent l’anatomie et les fonctions physiologiques nécessaires à la grossesse et à l’allaitement, alors que les personnes assignées à un sexe masculin sont supposées produire des spermatozoïdes et être capables de féconder.

L'endosexenormativité invisibilise les personnes présentant des variations des caractéristiques sexuées, minimisant leur prévalence réelle dans la population en les présentant comme des cas rares et isolés. Elle pathologise également ces variations, présentant l'intersexuation comme une "anomalie" qu’il convient de “réparer” afin de conformer les personnes intersexuées aux catégories de sexe considérées comme "normales" ou "légitimes". C'est pourquoi, dans notre société, un sexe binaire est attribué à chaque enfant à la naissance en fonction de l'apparence de ses organes génitaux. Ce sexe est inscrit officiellement dans les systèmes juridiques via les certificats de naissance et les registres d'état civil.1 L’enregistrement de sexe détermine, entre autres, les types de soins médicaux susceptibles d'être pris en charge par la mutuelle tout au long de la vie de la personne.

Il est important de comprendre que l'endosexenormativité n'a pas de fondement scientifique solide. Les premières études tentant de prouver un dimorphisme sexué absolu remontent à l'apogée de l'eugénisme, une époque où la recherche sur les caractéristiques anatomiques humaines était utilisée pour justifier des traitements inégaux basés sur la race et le genre. Aujourd'hui, une grande partie de la communauté scientifique s'accorde à reconnaître que le sexe s'exprime sur un continuum plus vaste.

Les catégories sexuées binaires imposées par l'endosexenormativité servent également de base à des attentes genrées pour chaque individu·e, concernant les attitudes, les centres d’intérêt, le comportement, la sexualité, etc. Cette vision essentialiste qui postule que des normes de genre immuables découlent naturellement des caractéristiques sexuées des personnes, imprègne profondément notre société cis-hétéronormative.

Tout comme le sexisme découle du système patriarcal, l’interphobie découle de l’endosexenormativité. L’interphobie désigne les attitudes négatives ressenties ou exprimées envers les personnes dont les caractéristiques sexuées ne correspondent pas aux attentes sociétales endosexenormatives. Ces attitudes négatives, telles que le dégoût, la peur, la violence, la colère ou l’inconfort, ne sont pas toujours intentionnelles ni perçues comme telles par celleux qui les ressentent. L’interphobie, à l’image de l’endosexenormativité, envahit toutes les sphères de la société et est inculquée dès la naissance. Il s’agit du renforcement d’une norme, et comme l’explique l’article Qu’est-ce qu’une norme ?, celles-ci sont difficilement perceptibles par celleux qui n'y sont pas confronté·es.

Pour les personnes intersexuées, l’interphobie se manifeste sous forme de discrimination, de harcèlement et de violence dans toutes les sphères de la société. On peut identifier différents types de violence :

  • l’invisibilisation des personnes intersexuées, qui nie ou minimise leur existence et les exclut des discours sur la sexuation humaine, voire empêche leur naissance, notamment par l’interruption médicale de grossesse ;
  • l’altérisation des personnes intersexuées, qui conceptualise l’intersexuation à travers un prisme fantaisiste et exotisant, réduisant les personnes intersexuées à l'Autre, au Monstrueux, mais aussi fétichise les personnes intersexuées ;
  • la pathologisation systématique des intersexuations, menant à des interventions médicales mutilantes et à l’idée que l’intersexuation est une “anomalie” à “corriger”.

L’endosexenormativité et son instrument, l’interphobie, ont donc un impact significatif sur la vie des personnes intersexuées, allant bien au-delà du simple fait biologique d’être intersexué·e. Nous allons maintenant examiner ces impacts.

IMPACTS PHYSIQUES

Les personnes intersexuées interrogées dans l’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) déclarent un état de santé bien moins bon que celui de l’ensemble des personnes LGBTQIA+ interrogées. En effet, 55,17% des personnes intersexuées ont indiqué souffrir d’un problème de santé ou d’une maladie à long terme, contre 33,66% de l’ensemble des personnes LGBTQIA+.

Le problème principal que rencontrent les personnes intersexuées face au corps médical est leur pathologisation et les interventions médicales non consenties qui en découlent. Les impacts de celles-ci sont abordés dans l’article Impacts des interventions médicales sur la vie quotidienne. Cependant, l’invisibilisation et l’altérisation des personnes intersexuées ont d’autres impacts sur leur santé et leur rapport avec la médecine.

Quand elles cherchent à obtenir des soins de la part de professionnel·les de santé sensibilisé·es et formé·es à leurs réalités, les personnes intersexuées se heurtent à de nombreux obstacles. Le rapport de 2017 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe met en lumière un grave manque de connaissances parmi les praticien·nes de santé concernant les personnes intersexuées, les violations de droits humains qu’elles subissent et leurs besoins spécifiques. Ce manque de connaissances, associé à des préjugés personnels, peut se traduire par de l’incrédulité, des insultes, des refus de soins ou des examens pratiqués de manière violente ou sans consentement, voire du harcèlement sexuel. 

L’absence de formation adéquate des praticien·nes de santé compromet ainsi l’accès des personnes intersexuées à leur droit fondamental à la santé. En effet, selon une étude publiée en 2018 au Royaume-Uni, les répondant·es intersexuées étaient plus enclin·es à éprouver de l’anxiété, de la gêne ou une grande préoccupation à l’idée de consulter un·e médecin généraliste que le reste de la population.

IMPACTS PSYCHIQUES

Plus de la moitié (62%) des personnes intersexuées répondant à une étude de 2008 déclaraient ressentir un stress psychologique important : 47% avaient des pensées suicidaires et 13,5% rapportaient des comportements d’auto-mutilation. Une autre étude réalisée en 2018 a montré que 38% des répondant·es intersexué·es cherchaient à accéder à des services de santé mentale.

Les personnes intersexuées sont sujettes au stress minoritaire, une expérience commune aux groupes marginalisés qui est fondée sur l’expérience concrète de la discrimination et du rejet. Cependant, l’anticipation de la discrimination cause également du stress. Les personnes intersexuées se préparent constamment à la discrimination et à la violence, quand elles n’essayent pas de dissimuler leur identité minoritaire afin d’y échapper. Leur anxiété les maintient dans une hypervigilance épuisante.

Le regard pathologisant et marginalisant posé sur les personnes intersexuées par le corps médical, la société et parfois leur famille, les rendent susceptibles de développer une mauvaise estime d’elleux-mêmes, voire de la haine de soi. Ne pas intérioriser ces représentations négatives représente en effet un travail immense qu’il est difficile d’entreprendre sans soutien ni accès à de l’information non-pathologisante sur les intersexuations. L’invisibilisation dont elles sont victimes, qui se traduit entre autres par l’absence de représentation positive de personnes intersexuées dans les médias, les maintient dans le secret, la honte, voire le tabou, ce qui mène souvent à un isolement social.

Ces sentiments d’exclusion génèrent une souffrance psychique, de l’anxiété et/ou des troubles de l’humeur. L’image négative de soi, voire le rejet de son corps que développent les personnes intersexuées, ont des effets délétères sur la façon dont elles forment des relations de confiance et d’intimité, ce qui peut les rendre plus vulnérables aux comportements sexuels à risque.

IMPACTS SOCIO-ÉCONOMIQUES

Scolarité, emploi et précarité

À l’école, en particulier à l’adolescence, les élèves intersexué·es peuvent faire face à de la discrimination, du harcèlement et des agressions physiques ou psychologiques. Une majorité de personnes intersexuées rapportent des sentiments de mal-être dès l’école primaire qui ne font qu’augmenter au fil du parcours scolaire, selon l’étude Santé LGBTI. L’absence de formation appropriée du personnel éducatif contribue à cette situation. 

Les personnes intersexuées n’apparaissent pas dans les programmes éducatifs, sauf en tant qu’objet mythologique ou comme “anomalie” ou “pathologie” dans les manuels de biologie. Les cours d’éducation sexuelle (animations EVRAS) ne prennent généralement pas en compte les corps intersexués et ignorent leurs besoins spécifiques. Cette invisibilisation constante augmente les sentiments de honte et de secret à un âge où les questions d’identité et d’appartenance prennent une place centrale.

En Europe, les discriminations et le harcèlement à l’école ont principalement touché les personnes intersexuées dont l'expression de genre ou l’apparence ne correspondent pas aux normes endosexes attendues. Ces discriminations incluent l’usage de langage dégradant, des violences psychologiques et des agressions physiques, particulièrement dans les lieux où le corps est visible aux autres, comme les toilettes ou les vestiaires. Cela pousse souvent les élèves intersexué·es à abandonner leurs études ou à développer des problèmes d’anxiété et de dépression. Ces expériences d'exclusion dès l’enfance et l’adolescence peuvent avoir des répercussions à long terme sur la vie d’adulte en limitant les opportunités éducatives et professionnelles, ce qui contribue à un risque accru de précarité.

En matière d’emploi, les personnes intersexuées sont confrontées à des obstacles similaires à ceux rencontrés durant leur scolarité. Les processus de recherche d’emploi leur sont souvent défavorables : il leur est souvent demandé de justifier, dans leur parcours éducatif ou professionnel, des périodes de vide qui sont dues aux hospitalisations à répétition ou à une période d’incapacité de travail pour des raisons de santé mentale. Les visites médicales obligatoires dans le cadre de l’emploi peuvent également poser problème, la plupart des professionnel·les de santé n’étant pas formé·es ou sensibilisé·es aux réalités des personnes intersexuées ou les considérant comme des pathologies.

Dans le cadre du travail, les personnes intersexuées doivent souvent composer avec la curiosité intrusive de leurs collègues au sujet de leurs corps, ainsi qu’avec l’incrédulité ou le rejet lorsqu’elles choisissent de parler de leur intersexuation. La pression constante liée à la discrimination et à la stigmatisation a des effets négatifs sur leur santé mentale, ce qui peut se traduire par un absentéisme élevé et augmente donc le risque de perdre leur emploi.

Ces difficultés dans l’accès à l’éducation et à l’emploi exacerbent les difficultés économiques rencontrées par les personnes intersexuées. L’étude de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) révèle qu’une personne intersexuée sur quatre (25,06%) rencontre des difficultés financières importantes, bien plus que la moyenne de la population LGBTQIA+ (13,91%).

La précarité économique est également liée à une vulnérabilité accrue en matière de logement. Environ 34% des personnes intersexuées interrogées ont déclaré avoir été confrontées à des difficultés de logement ou à des situations de sans-abrisme, en raison de la discrimination dans l’accès au logement ou d’un manque de soutien familial.

Les personnes intersexuées sont plus à risque de se trouver isolées socialement en raison de la stigmatisation dont elles sont victimes, ainsi que du conflit voire du rejet qui peut se produire au sein de la sphère familiale, particulièrement quand les parents, sous-informés et subissant les pressions du monde médical, ont contribué à imposer un regard pathologisant, voire un tabou familial, sur l’intersexuation de leur enfant. Le risque de solitude est particulièrement élevé pour les personnes intersexuées âgées, suite au manque de reconnaissance et de soutien pour leurs besoins spécifiques dans les structures sociales et communautaires qui les accueillent. L’isolement social, combiné à la précarité économique, augmente le risque de pauvreté et de marginalisation durable.

Discrimination et harcèlement

Comme nous l’avons exploré ci-dessus, les personnes intersexuées font l’expérience de la discrimination dans toutes les sphères de leur vie : 36,15% en sont victimes de la part du corps enseignant, 27,98% dans la recherche d’emploi, 43,34% dans la sphère médicale et/ou les services sociaux. Ces chiffres sont nettement supérieurs au reste de la population LGBTQA+, comme le mentionne l’étude de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA).

L’exposition aux agressions et aux violences est également bien plus élevée chez les personnes intersexuées que dans le reste de la population LGBTQA+. Près de 49,40% des personnes intersexuées déclarent avoir subi une agression physique ou sexuelle, un chiffre alarmant en comparaison des 24,55% de l’ensemble des personnes LGBTQIA+. Les violences sexuelles, en particulier, touchent 42,66% des personnes intersexuées. Ces agressions sont parfois exercées comme des formes de “punition” visant à réprimer ou à corriger l’intersexuation de la personne.

Le harcèlement est également une expérience courante pour les personnes intersexuées, qui sont 72,81% à en avoir été victimes. Les personnes intersexuées handicapées sont encore plus vulnérables, avec plus de 87,95% d’entre elles déclarant avoir subi une forme de harcèlement. Malgré la fréquence élevée de ces discriminations et violences, très peu de personnes intersexuées signalent ces incidents aux autorités ou aux organismes compétents. Seulement 2,73% des répondant·es intersexué·es ont déclaré une discrimination, ce qui s’explique par une méfiance généralisée envers les autorités : 29,96% des personnes intersexuées ne leur font pas confiance et 45,01% pensent que rien ne changera si elles signalent un incident.

Résilience et communauté

L’endosexenormativité et l’interphobie conduisent à l’isolement et la précarisation des personnes intersexuées tout au long de leur vie. Mais celles-ci ont développé des formes de résilience remarquables grâce à la création de communautés. Le contact avec d’autres personnes intersexuées, que ce soit via Internet ou des groupes de soutien atténue leur isolement et favorise un sentiment de normalité et d’autonomisation. Ces espaces permettent aux personnes concernées de partager leurs expériences, de se soutenir mutuellement et de remettre en question les normes dominantes qui cherchent à effacer ou à pathologiser leurs existences.

Cependant, l’effacement de l’identité intersexe rend la création de communautés difficiles. L’identification-même au mot “intersexe” peut être complexe pour de nombreuses personnes : 

  • le terme est peu ou pas utilisé dans les contextes médicaux où la majorité des personnes apprennent leur intersexuation, le corps médical lui préférant des termes pathologisants tels que “syndrome” ou “troubles/variations/différences du développement sexué”
  • le terme s’accompagne de stéréotypes tels que l’imaginaire du “ni homme ni femme”, qui contribuent à l’effacement des vécus variés des personnes intersexuées et empêchent certain·es d’entre elles de se reconnaître dans cette identité ;
  • l'inclusion du terme dans l'acronyme LGBTQIA+ peut soulever des questions pour les personnes intersexuées qui ne ressentent pas forcément une solidarité de vécu avec les minorités de genres, sexuelles ou romantiques.

De plus, l’engagement dans des communautés militantes exige souvent une lourde charge émotionnelle de la part des personnes intersexuées, dont la lutte s’articule autour de sujets touchant à des vécus traumatiques et intimes. Malgré cela, la résilience des communautés intersexes se manifeste par des mobilisations croissantes. Nous vivons actuellement une période charnière pour la visibilité des questions intersexes : les institutions internationales et nationales commencent à s’en préoccuper et à œuvrer en faveur d’une remise en question de l’invisibilisation, de la stigmatisation et de la pathologisation des personnes intersexuées. Pour que ce changement devienne réalité, il est essentiel de valoriser la diversité des corps et des identités et de remettre en question nos conceptions sur le sexe, le genre et la sexualité.

1 Dans notre société cisnormative, le sexe assigné à la naissance est associé à un genre binaire dont découlent des attentes placées sur chaque personne en termes de rôles, de comportements, d’expression, etc. Ce système ne fait donc pas de distinction légale entre le sexe et le genre.

Sources

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