La première chose qu’il faut savoir quand on amorce un processus de coming-out, c’est que vous et vous seul·e êtes à même de savoir quelle est la meilleure façon d’annoncer votre identité à vos proches. Cet article parcourra des pistes et des suggestions, mais nous ne détenons aucune vérité absolue et générale. Deuxièmement, il est également important de garder en tête que le coming-out n’est pas une obligation, et le bon moment pour le faire est le moment où vous vous sentez prêt·e et à même de recevoir toutes les réactions possibles. Même si des personnes extérieures font pression pour que vous le fassiez, écoutez-vous avant tout.
De plus, on parle souvent “du” coming-out mais en réalité, il s’agit d’un processus long et que vous serez sans doute amené à réaliser plusieurs fois : dans votre environnement familial, professionnel, amical, etc. Vous pouvez aussi décider de ne faire un coming-out qu’à certaines personnes ou certaines “parties” de votre vie mais pas à d’autres, ou de ne pas le faire à tout le monde en même temps. À nouveau, soyez à l’écoute de vos envies et de vos besoins pour ne pas vous brusquer ou vous faire du mal.
La bonne réponse est évidemment quand vous vous sentez prêt·e, mais dans l’idéal quand vous sentez que la personne est également prête à recevoir l’information et est ouverte au dialogue. Si la personne est déjà dans des émotions fortes ou trop négatives, celles-ci pourraient déteindre sur sa réaction. Vous pouvez choisir de faire votre coming-out de façon spontanée, simplement parce que l’opportunité se présente. Cependant, cette technique ne vous laissera pas le temps de préparer comment dire les choses. Nous vous conseillons donc de ne le faire que si vous vous sentez en confiance.
L’important est d’être dans un endroit calme et, encore une fois, ouvert à la discussion, car la personne aura sûrement beaucoup de questions à poser et attendra de vous des réponses. Si vous craignez une réaction hostile, préférez un endroit public comme un parc ou un café afin d’éviter des débordements. Il sera aussi important de le faire dans un endroit où vous êtes à l’aise et avez le sentiment de contrôler la situation. Choisissez de préférence un endroit duquel vous pouvez facilement sortir en cas de besoin.
En tant que personne queer, vous risquez de devoir faire face à de l’incompréhension de la part des personnes qui recevront votre coming-out. Il est possible que la personne en face de vous ne partage pas les mêmes repères ou le même vocabulaire. À vous d’évaluer les termes que vous souhaitez utiliser, ce que vous voulez expliquer ou pas. Vous avez tout à fait le droit de rester vague si cela vous rend plus à l’aise. Prenez donc le temps de réfléchir à l’avance à la manière de formuler les choses. Par exemple, dans le cas d’un coming-out centré sur votre orientation sexuelle, est-ce qu’annoncer que vous n’êtes pas hétérosexuel·le est suffisant ? Ou simplement annoncer que vous avez un·e partenaire, ou ne voulez justement pas de partenaire ? Ou bien souhaitez-vous prendre le temps de donner plus d’explications sur les termes que vous utilisez pour vous définir ? Si votre coming-out concerne (en partie) des questions d’identité de genre, nous vous conseillons également de lire cet article spécifiquement sur les coming-outs trans.
Si vous choisissez de ne pas spécifier votre identité (queer et/ou autre), il est possible que la personne en face de vous utilise ses propres mots pour vous ramener à une catégorie qu’iel comprend. À vous de savoir si vous voulez ensuite la/le corriger ou pas. Il n’y a pas de honte à avoir si vous ne voulez pas vous expliquer et préférez vivre avec cette ambiguïté. Votre identité vous appartient, et il n’est pas malhonnête de laisser les autres tirer leurs propres conclusions.
Choisissez ensuite le ton et la forme de votre annonce. Celle-ci n’a pas à être formelle et dramatique mais peut être légère et détendue si c’est comme cela que vous ressentez les choses et comme ça que vous préférez les présenter. C’est un moment important pour cellui qui reçoit l’information, mais aussi pour vous qui la délivrez. Vous avez le droit de le faire à votre façon, sans mettre au premier plan le confort de la personne à qui vous le dites.
C’est la technique la plus personnelle et intimiste, mais elle demande pas mal de contrôle de soi, puisque vous devrez gérer sur le coup les réactions de la personne. Vous pouvez aussi demander à une personne de confiance d’être présent·e quand vous faites l’annonce.
Ça vous permet d’être certain·e de dire tout ce que vous avez à dire, avec la bonne formulation, et vous ne devrez pas affronter la réaction directe. Par contre, vous ne pouvez pas savoir quand la personne choisira de réagir. Il y aura déjà moins de risque d’une réaction “à chaud”.
Permet de ne pas devoir affronter la réaction en direct, mais en offrant la possibilité à la personne qui reçoit l’annonce de tout de même réagir et pouvoir en discuter avec quelqu’un. Cependant, vous ne pouvez pas être certain·e de la manière dont l’information aura été transmise et de si la personne aura expliqué les choses comme vous l’auriez voulu. Certaines personnes pourraient également vous reprocher de ne pas avoir fait l’annonce personnellement. En choisissant bien la personne de confiance, cela peut rester une manière de vous protéger et d’économiser votre énergie.
Voici quelques-unes des réactions auxquelles vous pouvez vous attendre. Toutefois, prenez garde à ne pas trop anticiper la réaction qu’auront les différentes personnes à qui vous comptez faire votre coming-out. Il s’agit plutôt ici d’un éventail de réactions fréquemment rencontrées, pour que vous puissiez en avoir conscience, mais chaque coming-out est unique et souvent surprenant, pour le pire ou le meilleur :
Il est prévisible que vos proches aient de nombreuses questions et qu’iels attendent de vous que vous y répondiez. Si vous ne pouvez pas apporter une définition claire de votre identité, il est possible que la personne en face de vous se sente frustrée. Il est important de pouvoir fixer vos limites : les sources d’informations sont nombreuses (livres, films, documentaires, sites internet…) et vos proches peuvent aussi se renseigner via ces canaux. Notons que la compréhension n’est pas un prérequis à l’acceptation. Il y a énormément de choses que chacun·e accepte sans avoir besoin de les comprendre.
Les personnes peuvent avoir peur pour vous, peur de votre avenir qui est parfois perçu comme moins heureux ou plus compliqué. Votre parcours de vie en tant que personne queer risque en effet d’être différent de celui d’une personne hétéro et cisgenre. Cependant, il peut être tout aussi épanouissant, et sans nul doute plus épanouissant qu’une vie passée à cacher une partie de qui vous êtes.
Particulièrement chez la famille proche – et surtout les parents – la culpabilité peut être une réaction à un coming-out. En effet, certaines personnes se demanderont si c’est “de leur faute”, si iels ont fait “quelque chose de mal” pour vous rendre comme vous êtes. Vous serez donc peut-être amené·e à devoir les rassurer tout d’abord qu’il n’y a rien “de mal” dans qui vous êtes, et donc pas de blâme à placer. Vous pouvez également contrecarrer cette culpabilité en cultivant un sentiment plus positif, par exemple en remerciant la personne d’avoir créé un environnement dans lequel vous vous êtes senti·e à l’aise d’explorer et d’affirmer votre identité.
Faire un coming-out à quelqu’un, c’est exprimer la confiance que l’on a en cette personne, l’amitié que l’on ressent pour elle, et c’est une bonne raison de se réjouir. Voir un·e proche s’épanouir, se révéler tel·le qu’iel est et s’assumer sont aussi des raisons de ressentir de la joie.
Dû à un mélange d’incompréhension, de peur et de culpabilité, certain·e·s peuvent montrer de l’agressivité et de la colère face à un coming-out. Si c’est le cas, votre priorité doit être de vous protéger. La présence d’un·e ami·e ou d’une autre personne de confiance extérieure et sans lien direct avec cellui qui s’énerve peut aider à contenir la colère de cellui-ci. Mettez-vous également dans des conditions où il sera aisé de fuir. Si jamais vous veniez à vous retrouver avec des problèmes de logement ou de rupture familiale suite à ce coming-out, n’hésitez pas à contacter le refuge le plus proche (Refuge Ihsane Jarfi ou Refuge Opvanghuis).
En préparant son coming-out, on peut s’imaginer toutes sortes de scénarios mais on envisage rarement celui-ci. Pourtant, cette réaction n’est pas rare et il est utile de s’y préparer. Attention, le silence d’un·e proche ne signifie pas forcément que votre situation lui importe peu ou qu’iel y est complètement fermé·e. Peut-être simplement qu’iel l’accepte immédiatement et ne voit pas ce qu’iel peut dire. Peut-être qu’iel s’est informé·e seul·e. Ou encore, iel est confus·e, n’a pas bien compris la situation ou préfère se renseigner de son côté avant de revenir vous en parler. Mais il ne faut pas perdre de vue que certaines personnes aimeraient poser des questions ou simplement continuer la discussion mais préfèrent se taire car iels ne savent pas comment ramener le sujet sur la table ou ont peur de vous gêner. N’hésitez donc pas à ramener vous-même la conversation dans cette direction pour être sûr·e que chacun·e ait dit tout ce qu’iel avait à dire. Parfois, il est aussi possible que la personne montre de l’indifférence car elle ne sait pas comment appréhender la situation et est sous le choc, dans une forme de déni pour se protéger de quelque chose qu’elle ne comprend pas. Dans ce cas, ce n’est pas simple de relancer la communication, mais c’est possible si vous en avez l’envie avec de la patience et quelques autres outils (proposer à la personne de la documentation, discuter avec ellui de personnages de fiction, insister sur le fait que vous restez la même personne…)
Face à un coming-out, certaines personnes passent par une phase de déni. Même après avoir reçu l’annonce, iels agissent comme si rien n’avait été dit et continuent à vous traiter comme si vous étiez cis et hétéro. Iels peuvent également ne pas vouloir parler du sujet, voire vous interrompre si vous amenez vous-même le sujet sur la table à nouveau. Il est également possible qu’iels évitent certains sujets touchant aux questions queers (comme les relations, la sexualité,…) pour éviter d’être confronté·e·s à la réalité de qui vous êtes. Souvent, ce déni est une période transitoire pendant laquelle la personne doit faire un travail d’acceptation. Cela peut être très inconfortable à vivre, mais nous vous conseillons de ne pas y réagir agressivement dans un premier temps, pour ne pas braquer la personne encore plus. Vous pouvez par contre corriger les assomptions de la personne, en restant ferme sur votre identité.
Beaucoup de gens – et surtout les parents – expriment une forme de deuil face à un coming-out. Iels ont l’impression de perdre la personne qu’iels pensaient que vous étiez, mais également le futur qu’iels s’imaginaient pour vous. Les parents expriment aussi souvent un deuil par rapport à de potentiels petits-enfants que vous ne leur “offrirez” pas. Face à ces réactions, vous pouvez leur indiquer que vous restez toujours la même personne et les inviter à imaginer ensemble le futur qui vous rendra réellement heureux·se. Vous n’avez pas la responsabilité de leur offrir la vie qu’iels avaient imaginée pour vous. Ce n’est pas non plus un devoir de les accompagner dans leur deuil, c’est un travail qu’iels devront faire elleux-mêmes dans le respect de qui vous êtes.
Faire son coming-out est souvent présenté comme un rite de passage amenant à plus de libertés. Cependant, il n’est absolument pas une obligation. Vous pouvez vivre tout à fait librement en tant que personne queer sans jamais faire de coming-out si vous ne ressentez pas le besoin de faire une déclaration “événement” à vos proches au sujet de votre identité. Ce sont aux autres d’accepter qui vous êtes, quelle que soit votre manière de vivre votre ou vos identité(s). La sécurité est également un élément primordial d’une vie épanouie. Il est donc tout à fait louable de décider de ne pas être out dans toutes les sphères de votre existence. Votre identité n’appartiendra de toute façon jamais à personne d’autre qu’à vous.
Merci à Emmanuel Hennebert du collectif Let's Talk About Non-binary pour son aide à la rédaction de cet article.