La Belgique est souvent considérée comme un pays pionnier au niveau des droits LGBTQIA+. Elle a en effet été le deuxième pays à légaliser le mariage entre personnes du même sexe en 2003 et a inscrit l’orientation sexuelle comme critère protégé par la législation anti-discrimination la même année. En 2017, elle a adopté une loi permettant le changement de l'enregistrement du sexe/genre à l’état civil sur base de l’autodétermination. Cependant, cela ne signifie pas qu’aucune discrimination envers la communauté LGBTQIA+ n'a lieu dans notre pays. Par contre, il y a bien des mesures de protection mises en place. Dès lors, quels recours légal a-t-on, en tant que personne LGBTQIA+, après avoir subi une agression ou une discrimination ? Vers quelle association ou représentant·e de la loi se tourner ?
En Belgique, il est illégal de discriminer une personne sur base de son orientation sexuelle (réelle ou supposée), de son identité ou de son expression de genre, de sa transidentité ou de ses caractéristiques sexuées. La loi considère qu’une discrimination a lie quand "une personne ou un groupe qui dispose d’une caractéristique déterminée est traité·e d’une façon moins favorable que des personnes ne disposant pas de cette caractéristique." Il existe différentes formes de discrimination : discrimination directe, indirecte, harcèlement, harcèlement sexuel, injonction à discriminer ou incitation à la discrimination.
Beaucoup de personnes hésitent à déposer plainte dans le cas de discriminations queerphobes, parce que les faits semblent trop “banals”, qu’iels ne veulent pas se lancer dans une procédure compliquée, ou qu’iels ne s’attendent à aucun résultat de la part de la police ou des organismes de lutte contre les discriminations. Ces raisonnements sont compréhensibles : dans les cas où la victime ne peut présenter de preuves concrètes, il est rare que les signalements de discrimination aboutissent à une procédure en justice. Cependant, ces signalements ont tout de même une utilité :
Si vous êtes victime de discrimination, il est important tout d’abord de porter plainte auprès de la police. Pour cela, rendez-vous au commissariat le plus proche. Plus le moment où vous portez plainte est proche du moment des faits, mieux c’est. Cependant, même si l’agression est ancienne, il est important de porter plainte. C’est grâce aux relevés annuels de plaintes que des rapports montrant le réel quotidien des personnes queer peuvent être établis et permettre plus d’action. Cela peut aussi paver le chemin pour d’autres plaintes futures qui viseraient la même personne ou le même organisme.
N’oubliez pas que vous pouvez être accompagné·e pour porter plainte, que ce soit par un·e ami·e ou une personne de confiance, ou par un·e professionnel·le formé·e à ce type d’accompagnement, qui pourra vous aiguiller et vous rappeler les détails importants à préciser. Ce genre de professionnel·les peut également vous préparer en amont aux types de questions qui vous seront posées, pour vous aider à ordonner vos pensées. On peut notamment trouver des professionnel·les formé·es dans les Maisons Arc-en-Ciel.
L’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH) traite exclusivement les questions de discrimination liées au genre et au sexe biologique. Ceci inclut les discriminations liées à l’expression genrée, à la transidentité ou à l’intersexuation. Malgré le nom de l’institut, ses responsabilités incluent également les discriminations liées à l’identité non-binaire d’une personne.
Unia prend en charge tous les autres critères de discrimination reconnus par la loi belge (donc pas uniquement les questions d’orientation sexuelle mais également celles qui ont trait au racisme, au handicap, à l’âge, …). Cette séparation des responsabilités est liée à l’historique du développement de la législation belge et de ses institutions.
Dans le cadre de discriminations LGBT-phobes, la frontière entre discrimination basée sur le genre et discrimination basée sur l'orientation sexuelles est parfois très floue. Par exemple, si une personne assignée mâle à la naissance se fait insulter de “pédé” parce qu’iel porte une jupe, il peut être difficile de savoir s’il est plus pertinent de s’adresse à Unia (insulte à caractère homophobe) ou à l’IEFH (l’expression de genre de la personne étant visée par les insultes). Vous pouvez alors signaler les faits auprès des deux organismes. Vous pouvez également téléphoner au 0800 12 800 et vous adresser à un·e collaborateur·ice d’un des deux services pour savoir quelle est l'institution la plus pertinente.
Vous pouvez déposer plainte de manière anonyme ou en votre nom. Si vous portez plainte en votre nom, celui-ci ne sera pas révélé à la personne ou à l’organisation contre laquelle vous portez cette plainte sans votre accord préalable. Porter plainte en votre nom permet donc surtout d’être recontacté·e plus facilement dans le cadre du suivi de votre dossier.
En 2021, Unia a ouvert 176 dossiers concernant des actes de discrimination fondés sur l’orientation sexuelle. Sur ces 176 dossiers, 47 concernaient la Wallonie. Au total, 62 signalements concernant le territoire wallon ont été reçus (certains signalements n’ayant pas mené à l’ouverture de dossiers). L’IEFH, pour l’entièreté de la Belgique, a reçu 134 signalements de discrimination transphobe en 2021. Cependant, il est très probable que le nombre total d’incidents LGBT-phobes sur notre territoire soit bien plus élevé.
Par exemple, en 2019 et 2020, une collecte de signalements avait été mise en place en région de Bruxelles-Capitale en collaboration avec la RainbowHouse. L’écrasante majorité des faits rapportés dans le cadre de ce projet n’avaient jamais été déclarés à la police. Une enquête de 2020 de l'Agence des Droits Fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a par ailleurs révélé que près de 4 personnes LGBTQIA+ sur 10 avaient été victimes de discrimination dans les 12 mois précédents l’enquête.
Il est donc évident qu’il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre les discriminations LGBT-phobes en Belgique. Signaler des faits de discrimination est une manière d’exercer ses droits et de participer à cette lutte. Cela permet en effet aux autorités compétentes de prendre conscience de l’ampleur réelle du problème ainsi que des particularités de chaque situation signalée. Cela empêche par ailleurs les autorités de minimiser la situation. Ce n’est pas une solution miracle, mais un outil intéressant pour faire avancer nos luttes et visibiliser les difficultés rencontrées par les personnes LGBTQIA+ aujourd'hui en Belgique.
Merci à Emmanuel Hennebert du collectif Let's Talk About Non-binary pour son aide à la rédaction de cet article.
IEFH, Discrimination
Unia, Chiffres d'Unia
IEFH, Rapport d'activité 2021
Fédération des Maisons Médicales (2019), LGBTQI+, des patient.e.s aux besoins spécifiques
European Union Agency for Fundamental Rights (FRA) (2020), A long way to go for LGBTI equality