Endosexenormativité

L’endosexenormativité est une norme sociale dominante qui conçoit le sexe biologique et anatomique comme un système binaire immuable. Selon cette idéologie, tous les corps humains (et la majorité des organismes vivants) s'inscriraient dans deux catégories de sexe distinctes et exclusives : homme et femme. Cette classification dicte non seulement la fonction et l’apparence des caractéristiques sexuées, mais aussi les capacités reproductrices qui y sont associées. Par exemple, l’endosexenormativité postule que toutes les personnes assignées à un sexe féminin possèdent l’anatomie et les fonctions nécessaires à la grossesse et à l’allaitement, tandis que les personnes assignées à un sexe masculin produisent des spermatozoïdes et sont capables de féconder.  

L'endosexenormativité invisibilise les personnes présentant des variations des caractéristiques sexuées en minimisant leur prévalence réelle dans la population et en les reléguant à des “cas rares” ou “anomalies” nécessitant une “correction”. L’intersexuation est ainsi pathologisée, des interventions médicales sont imposées aux personnes intersexuées dès l’enfance pour conformer leurs corps aux catégories sexuées binaires considérées comme "normales". Ces interventions sont légitimées entre autres par l’enregistrement obligatoire d’un sexe à la naissance, une pratique qui a des implications juridiques, médicales et sociales durables, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins.

Les catégories sexuées binaires imposées par l'endosexenormativité servent également de base à des attentes genrées pour chaque individu·e, concernant les attitudes, les centres d’intérêt, le comportement, la sexualité, etc. Cette vision essentialiste qui postule que des normes de genre immuables découlent naturellement des caractéristiques sexuées des personnes, imprègne profondément notre société cis-hétéronormative. Ces attentes genrées servent également de justification pour les interventions médicales de normalisation que subissent les personnes intersexuées. Pour le corps médical, il s’agit de s’assurer que les jeunes intersexué·es puissent éviter la stigmatisation en rentrant dans la norme, c’est-à-dire en s’assurant qu’iels pourront, à l’âge adulte, prendre part à un coït hétérosexuel pénétratif, ou par exemple, pour les jeunes assigné·es garçons, qu’iels pourront faire pipi debout.

L'endosexenormativité et la science

L’endosexenormativité n’est pas soutenue par des bases scientifiques solides. En réalité, de nombreuses études montrent que le sexe s’exprime sur un continuum complexe, au-delà des simples catégories binaires. Les premières recherches ayant pour but de prouver un dimorphisme sexué absolu sont issues de la grande époque de l’eugénisme, quand les classifications scientifiques étaient instrumentalisées pour justifier les hiérarchies sociales fondées sur le genre et la race.

Cette catégorisation binaire des sexes était alors utilisée pour légitimer scientifiquement l’infériorisation des femmes et le système patriarcal. Ces recherches, androcentrées et eurocentrées, ont façonné des idéaux corporels masculin et féminin qui excluent les variations naturelles et se basent sur les caractéristiques physiques des personnes blanches.

L’interphobie

Tout comme le sexisme découle du système patriarcal, l’interphobie découle de l’endosexenormativité. L’interphobie englobe les attitudes négatives ressenties ou exprimées envers les personnes dont les caractéristiques sexuées diffèrent des attentes sociétales endosexenormatives. Ces attitudes, allant du dégoût à la violence en passant par la peur ou l’inconfort ne sont pas toujours intentionnelles ni perçues comme telles par celleux qui les ressentent. L’interphobie, à l’image de l’endosexenormativité, envahit toutes les sphères de la société et est inculquée dès la naissance. Il s’agit du renforcement d’une norme, et comme l’explique l’article Qu’est-ce qu’une norme ?, celles-ci sont difficilement perceptibles par celleux qui n'y sont pas confronté·es.

Pour les personnes intersexuées, l’interphobie se manifeste sous forme de discrimination, de harcèlement et de violence dans toutes les sphères de la société. 

L’interphobie peut être catégorisée selon différents types de violence, telles que :

L’endosexenormativité et son instrument, l’interphobie, ont donc un impact significatif sur la vie des personnes intersexuées, allant bien au-delà du simple fait biologique d’être intersexué·e. Ces impacts sont développés dans l’article Impacts des intersexuations sur la vie quotidienne.

Pour une déconstruction des normes et une valorisation des diversités

La lutte contre l’endosexenormativité et l’interphobie passe par la remise en question des normes binaires de sexe et par la visibilisation des réalités des personnes intersexuées. Les associations intersexes jouent un rôle crucial dans ce processus en valorisant le savoir expérientiel des personnes concernées et en  interrogeant les normes en vigueur, adoptant des approches inspirées des perspectives queer, crip ou décoloniales.  

Grâce à leur mobilisation, des institutions internationales et nationales commencent à s'opposer aux atteintes systématiques aux droits humains des personnes intersexuées et à œuvrer en faveur du démantèlement de l’invisibilisation, de la stigmatisation et de la pathologisation des personnes intersexuées. 

Pour mettre fin à l’emprise médicale sur les corps intersexués, il est nécessaire de garantir la place centrale du consentement et des savoirs expérientiels dans l’approche thérapeutique, d’inclure les personnes intersexuées et leurs familles dans les décisions concernant les pratiques médicales, mais aussi de dispenser une formation non-pathologisante aux professionnel·les de santé et autres acteur·ices sociaux·ales.  

Enfin, la sensibilisation du grand public à la diversité des corps et des identités est essentielle. Elle passe par une redéfinition collective de nos conceptions sur le sexe, le genre et la sexualité, en valorisant les expériences et récits des personnes concernées et en déconstruisant les systèmes de pouvoir qui perpétuent les normes excluantes.

Sources

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